samedi 19 mai 2012

Al Idrìsi: la géographie d'Occident en langue arabe


Une grande exposition en France a été organisée par la Bibliothèque Nationale le grand géographe sicilen (?) de langue arabe.

Le site: Exposition

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Source importante pour l’analyse des traces de la culture arabe. Al Idrìsi, géographe "sicilen" de langue arabe. 


File:1154 world map by Moroccan cartographer al-Idrisi for king Roger of Sicily.jpg



Annaliese Nef, dans son article intitulé "Al-Idrisi : un complément d’enquête bibliographique" publié dans l'ouvrage collectif dirigé par Henri Brec et d’Emmanuelle Tixier du Mesnil (PUP, 2010) Géographes et voyageurs au Moyen Agereprend des études récentes qui attesteraient des liens étroits entre le géographe et la Sicile qu’un autre auteur, Jeremy Johns rejette.

Contrairement à grand nombre de chercheurs, Annaliese Nef soutient, documents à l'appui, que le géographe, est né en Sicile, à Mazara. Il y a reçu une "éducation sicilienne", ce qui expliquerait pourquoi il n'est pas cité dans les sources en langue arabe. Si on ne connaît toujours pas la date de son départ définitif de l’île, il est attesté toutefois qu'al-Idrìsi a continué à travailler en Sicile après la mort de Roger II, à l’époque de la dynastie des Hauteville. Il aurait également composé un ouvrage, intitulé Rawd al-uns wa-nuzhat al-nafs (le jardin de l’amitié et le divertissement de l’âme) pour Guillaume Ier, le fils de Roger II. La date de la mort de l’auteur reste incertaine. Sur ces nouvelles données biographiques se sont penchés un grand nombre de chercheurs, parmi lesquels Adalgisa de Simone, auteur par ailleurs d'un ouvrage important cosacré aux géographes au Moyen Age et intitulé L'immagine araba di Roma. I geografi del Medioevo (secoli IX-XV) (Pàtron editore 2002)



Annelise Nef conclut son article en affirmant que même s’il se dégage une image floue des origines exactes du géographe-poète,  l'enquête biographique n’est pas motivée par « la volonté d’assigner une identité quelconque à al-Idrìsi» mais « vise à contextualiser, d’un point de vue culturel et intellectuel, son œuvre ». Déjà dans l'introduction à l'ouvrage publié en 1999 avec Henri Bresc chez Flammarion, intitulé Idrisi La première géographie de l’Occident, l'auteur s'attachait à repérer des éléments importants de la biographie de l'auteur. Ainsi, les sources qui ont pu servir à l'élaboration de l'oeuvre imposante d'Al Idrisi - des rapports des missionnaires et des archives du Palais Royal - expliqueraient la précision avec laquelle sont décrits certains lieux ou frontières, précision parfois déroutante pour les historiographes. Al Idrisi, en effet, avait accès à ces sources directement, parce que la langue de la culture et de l'administration de l'époque est encore l'arabe. Le choix de la langue en effet, "est éminemment politique" nous rappelle Anneliese Nef. 

Il faut comprendre que l'oeuvre du géographe constitue une "élaboration idéologique", au service de souverains: « Idrìsi" - précise Annaliese Nef - "met cette œuvre au service intellectuel d’une dynastie appelée – par Dieu – à prolonger les efforts des califfes abbyssides : Palerme est appelée à devenir le relais de Bagdad et le pôle savant d’un monde sans frontières, à cheval sur la Méditerranée, comme l’est le pouvoir des Normands". 


Dans ce contexte, la langue arabe jouait un rôle fédérateur en Sicile:  "l’arabe fournissait encore le principe d’unité, de continuité avec le passé, et une culture épanouie. La géographie, maîtrise intellectuelle du monde, renouait avec la grandeur abasside et affirmait pleinement en arabe la gloire d’une terre sicilienne riche et pacifiée, d’une famille conquérante et sage et d’un prince serviteur du savoir". 

A travers son oeuvre de géographe, Al Idrìsi répond à un projet politique précis, qui est d'introduire un "volet européen" dans le vaste champs des travaux produits en Afrique du Nord, en langue arabe, en matière de géographie. 


Les textes sur you tube en français:

http://www.youtube.com/watch?v=5S5MgYdOa3I





Emmanuelle Tixier du Mesnil dans son introduction à l'ouvrage collectif cité Géographes et voyageurs au Moyen Age analyse les différentes formes d'écriture à travers lesquelles les géographes représentent le monde au Moyen Age: « Razi (X è siècle) fait ressortir l’Espagne de l’ombre, Warraq et Bakri (XIè siècle) dévoilent le Maghreb, Idrisi, un siècle plus tard, fait découvrir l’Occident latin. La description de la partie occidentale du dar al-islam est donc le préalable à un agrandissement du champ des investigations géographiques : le pivot depuis lequel la géographie s’écrit, translaté depuis l’Orient, permet de s’intéresser de plus près à un monde latin et chrétien en plein réveil et qui avait jusque là été ignoré". Ainsi le travail de ces géographe témoigne d'un "basculement du rapport de forces dans le monde méditerranéen ". 

Peu importe alors si les géographes "figent des frontières qui n’existent plus". "Les toponymes sont désormais moins les points de carte, que les points d’ancrage d’une géographie nostalgique des lieux de mémoire ». Les terres de Sicile par exemple, sont placées dans les ouvrages du XIè siècle dans le domaine de l’Islam, alors que dans la réalité elles ont été perdues.
 
 Henri Bresc dans ce même ouvrage montre comment Al-Idrisi innove au niveau du genre du récit géographique. Il brise le classement par Pays (mamlaka), et représente la réalité géographique à travers de nouveau critères d'homogéneité que sont les limites des climats et des méridiens

Parmi les oeuvres sur les géographes voyageurs, en en partirculier sur Al Idrisi, publiées en Italie citons le travail de Salvatore Maria Sergio, Viaggiatori, medici e letterati arabi a Napoli e nel Mezzogiorno, Napoli, Colonnese, 1992. L'auteur nous rappelle que la notion d'auteur est encore étrangère à la culture arabe médiévale. Poètes et Voyageurs, hommes de Lettres et Savants semblent partager un savoir commun à tous: sur les œuvres d’autres, tout un chacun est autorisé à exercer des "variations sur le thème". La reprise d’une œuvre contribue plutôt à sa renommée, elle est également l’indice de son succès. Elle est le fruit d’une expérience personnelle, unique, philosophique et spirituelle qui s'insère dans un tout. Il s'agit alors pour le chercheur de retouver ces formes de plagiat: Ibn Hawqal plagieur de Al Fàrisì al-Istakhrì, et Al Idrisi plagieur et plagié à son tour.

Citons encore les nombreuses recherches menées par le laboratoire de UMR Orient et Méditerranée du CNRS sur l'Islam médiéval "Espaces réseaux et pratiques culturelles"http://www.islam-medieval.cnrs.fr/axe_A.php, autour de sources arabes médiévales, des chroniques de voyage, des traités de géographie et des recueils de biographie, ainsi que sur des données archéologiques. Citons encore les travaux sur la correspondance diplomatique dans l'Orient http://www.ifao.egnet.net/axes/relations-conflits/correspondance-diplomatique/, musulman promus par l'Institut français d'archéologie orientale du Caire. 


Al Idrìsi cartographe: le livre de Roger


http://www.youtube.com/watch?v=F3x6twQZlcA







 



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